Bulletin n°6

Exploration des carcinomes épidermoïdes cervicaux : peut-on se passer de l’IRM de diffusion ?

Quand on parle de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, il convient de distinguer la cavité buccale et l’oropharynx, localisations pour lesquelles l’IRM reste la modalité de première intention pour le bilan d’extension loco-régionale, et les tumeurs laryngées et hypopharyngées, où le rôle de l’IRM apparaît incertain notamment en France où le scanner reste encore largement plébiscitée, recommandé par les autorités compétentes.

Pour les tumeurs buccales et oropharyngées, on ne saurait que conseiller l’ajout d’une séquence de diffusion lors du bilan initial pour étudier l’hétérogénéité du coefficient apparent de diffusion. Cette étude de l’équipe de Minerva Becker qui vient d’être publiée dans l’AJNR montre de façon efficace qu’il suffit de contourer 2 ROI dans le processus tumoral pour pouvoir distinguer les K epidermoïdes liés à une infection à HPV (Human Papilloma Virus) de ceux plus fréquents non-viro induits, au pronostic plus péjoratif. La distribution de l’ADC en intra-tumoral montre des coefficients plus faibles dans les cas HPV positifs. Ce qui est appréciable c’est que ce type de distribution quantitative intra-tumorale (on parle aussi d’entropie pour qualifier l’hétérogénéité histologique des tumeurs) est accessible sur les consoles constructeurs sans nécessité de post-traitement compliqué.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, l’étude sera présentée par un des auteurs lors de la session de communication scientifique du CIREOL le samedi matin aux JFR (session de 10H30, salle 342A). La session s’annonce d’un bon niveau, venez nombreux.

Concernant le bilan initial des cancers laryngés et hypopharyngés, le faible nombre de publications comparatives entre TDM et IRM n’incite pas à changer de modalité initiale d’exploration, à savoir le scanner injecté avec manoeuvres dynamiques (phonation/vasalva).

Concernant le suivi post-thérapeutique en revanche, un certain nombre de travaux scientifiques insistent sur la valeur de l’IRM dans une indication particulière : le diagnostic différentiel entre récurrence tumorale et aspect post-thérapeutique.

Le dernier en date publié dans Clinical Radiology (abstract ici, texte complet pour les membres du CIREOL ici) englobe toutes les tumeurs des VADS et confirme ce qui a déjà été publié auparavant ici ou dans cette méta-analyse récemment parue dans Plos One): l’ADC permet relativement rapidement à l’aide d’une analyse visuelle (hypointense : récurrence tumorale, hyperintense : remaniements post-thérapeutiques, radionécrose) de diagnostiquer la récidive tumorale y compris dans les localisations laryngées et hypo-pharyngées.

On remarquera aussi la remarquable unicité des seuils de malignité d’ADC selon les études, qui varient de 0.7 à 1.2 x10-3 mm2/s pour les cas de récidives tumorales et de 1.3 à 1.9 x10-3 mm2/s pour les remaniements post-thérapeutiques. On rappellera que l’influence du facteur b (plus le facteur b est élevé; plus l’ADC est court) est moindre aux valeurs utilisées en ORL, typiquement entre b=600 s/mm2 et b=1000 s/mm2 pour lesquelles l’atténuation du signal de diffusion tend à suivre une Gaussienne comme dans les tissus isotropes.

La cartographie ADC semble maintenant donc prêt à bénéficier au plus grand nombre de patients!

Pour les paramètres techniques de la séquence de diffusion, qui est réalisable en 3-4 minutes, des conseils sont donnés dans l’article d’Harriet Thoeny publié en Radiology en 2012 et qui fait toujours office de référence pour l’IRM de diffusion de la tête et le cou (article complet sur le site du CIREOL).

A noter que le Pr Thoeny sera l’invité de la SFR cette année aux JFR (le samedi, séance anglophone, salle 251, communication sur l’exploration « fonctionnelle » en IRM des ganglions pelviens) tout comme le Pr Becker qui nous fera l’honneur de venir communiquer sur l’imagerie des conflits vasculo-nerveux, dans une session co-organisée par la SFNR et le CIREOL (à 16H le samedi en salle 342A).

Vivement les Journées Françaises de Radiologie donc !

Arnaud A